Vibrations juvéniles (curieusement) persistantes

En foulant du sabot les cailloux du désert d’Atacama impactés par les orages, mon esprit divague et me ramène des décennies en arrière quand, ensevelie sous ma couette transformée en tente et chaussée d’une double monture de lunettes ornée d’ampoules miniatures, je boulottais avidement les bouquins d’Évelyne Coquet, la première à nourrir mes rêves d’évasion (indépendamment d’un contexte quelque peu tendu qui ne pouvait qu’inspirer la fuite…). Parce que Paris-Jérusalem à cheval ça ne s’improvise pas. Pas plus que de traverser l’Écosse, un berceau sur un cheval avec son fils de cinq mois. Je remercie cette femme passionnée et déterminée, certaines vibrations juvéniles nous imprègnent et nous portent loin, longtemps, devant.
Nous vivons parfois des ruptures sur nos chemins de vie semés d’embûches et de si nombreux virages à négocier, nous empruntons des directions que nous considérons, a priori, quelquefois du moins, à mille lieues de nos premières inspirations, mais nous apprenons.
Si nous perdons des fois le sens de nos décisions, la vie se charge de nous rappeler où se situe le cap qui nous permet de ne pas dériver, ceci pour nous réaliser. Il arrive que nous nous sentions en échec, mais nous choisissons, toujours, d’une manière ou d’une autre, notre voie et celle qui nous fait perdre nous fait bien souvent aussi gagner… Il se trouve que je ne crois pas au hasard. Une vibration juvénile là encore, en lien avec une certaine philosophie de vie. Bref…
Indépendamment de nos erreurs et de nos (parfois vastes) détours, le cap que nous avions délaissé se pointe à nouveau à l’horizon et nous peinons à y croire en ce moment improbable où nous ramons, la tête dans le guidon, loin de nos envies. Mais, mais, mais… D’un coup, d’un seul, nous voici à nouveau sur la bonne ligne. Celle-ci étant celle sur laquelle nous nous alignons, de tout notre être, profondément, pleinement, indubitablement et nous avançons droit devant sans hésitation. Nous retrouvons ce qui nous anime, nous fait vibrer en nous apportant le sens duquel émanent sérénité et joie. Nous revenons sur nos rails, ce qui constitue notre colonne vertébrale, l’alignement, encore… En soi, de soi à soi… Et puis aussi, bien sûr, vis-à-vis des autres et du monde dans lequel nous évoluons, ceci étant vaguement lié à cela…
Il y a des victoires qui s’arrachent, pour lesquelles le combat est rude et laborieux, alors qu’une fois les victoires obtenues, nous nous rendons compte, a posteriori, que les choses étaient plutôt simples. Finalement, ne nous compliquerions-nous pas un poil les choses ? Bon, certes, je focalise sur mon fonctionnement mais mon petit doigt me dit que je ne suis pas la seule… Hum ? Il est impossible, probablement (encore que nous ne soyons pas tous constitués de la même manière), d’éviter les questionnements et les batailles intérieurs qui m’apparaissent inhérents à notre condition de petits bonshommes sur ce petit bout de terre. Petit bout de terre que j’aime en l’occurrence parcourir. Mais il est parfois simple de répondre à un besoin. Encore faut-il le définir. Soin que nous ne prenons pas toujours et qui fait que nous tournons en rond. En ce qui me concerne cela m’a d’ailleurs menée à une forme d’immobilisme, donc, revenons-en à nos moutons.
Les vastes espaces m’appellent. Je n’y fais rien d’extraordinaire, non, je les contemple et je me nourris de la sensation qu’ils me procurent. En gros, j’aime prendre des bus pourris et voir défiler le monde… C’est ainsi et je me donne les moyens de réaliser ces balades qui me mettent en joie, une joie pas si évidente à générer sur cette planète. C’est par conséquent une grande chance même si, pour y parvenir, il y a une montagne d’autres choses que je ne fais pas. J’effectue mes choix. Je m’offre la chance d’éprouver la vibration qui donne du sens à ma vie. Celle qui me permet de cocher la case la plus essentielle.
Le verbe qui définit le mieux ce qui est important pour moi est le verbe vibrer. Qu’est-ce que la vie sans vibration ? Pour moi, rien que pour moi, mais peut-être aussi pour quelques autres, vibrer est juste fondamental. Il ne faut pas forcément réunir des conditions exceptionnelles pour cela, mais être en accord avec soi, ça aide un peu. Alors je prends des bus pourris et me trimbale d’une route à l’autre. J’ai juste rempli de presque rien un sac afin de ne pas m’encombrer de l’inutile qui m’éloignerait de l’essentiel. Rien d’extraordinaire je vous dis. J’aime voyager seule et être au plus près de ce que je ressens, tout comme j’aime écrire, un plaisir des plus solitaires qui participe également à cette plongée intérieure.
Je vais ainsi, seule, au-delà de peurs que je n’imaginais pas devoir combattre tant que je n’imaginais pas me retrouver dans telle situation ou telle autre. Situation qui finalement n’est pas un drame. Bah oui, même seule, à l’autre bout du monde. Aussi, ces peurs changent, évoluent. Oui, tout est en constant mouvement et mes peurs d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui, renforçant d’autant ma confiance en la vie et au sens que je donne aux événements auxquels je suis confrontée. Ce qui compte est de ressentir (et ce n’est pas rien) cette joie due à la vibration causée par cette résonance évidente avec ce que je suis et je m’arrange pour mettre cela en œuvre. Je fais un sac puis un autre… J’examine une carte puis une autre… J’ai tendu le pouce fort jeune au bord des routes en traversant une petite quinzaine de fois mon pays. Aujourd’hui je vais un peu plus loin, le monde ayant d’ailleurs changé depuis, cela est plus facile, mais la démarche est identique.
Un de mes grands regrets, au seuil de franchir le pas qui me fera quitter cette vie (parce que si nous n’avons pas beaucoup de certitudes, certaines ne peuvent être éludées et oui, nous mourrons) serait, inévitablement, de ne pas avoir vu à quoi ressemble un peu le monde.
Et vous ? Quel serait votre plus grand regret ?
Séverine, comme tu écris qu’Évelyne Coquet a nourris tes rêves d’évasion, tes réflexions nourrissent les miennes. Je voyage dans les livres, dans la tête — pas encore par les pieds —, mais tes textes pourraient être les mots qui font la phrase irréversible : oui, on peut dé-lirer vers d’autres lectures de la vie en franchissant le pas.
Merci chère Glr,
J’espère que tu franchiras le pas pour voyager grâce à tes petits petons qui, bienheureux, te mèneront là où tu n’avais pas idée et d’où tu m’inspireras bientôt toi aussi…
À toi de jouer !